C Bleu

es deux mots sont fréquemment utilisés l’un pour l’autre par des commentateurs plus préoccupés du « scoop » que de l’information impartiale. Il est donc important de préciser les significations précises de chacun des deux mots.

 

Un danger, d’après Wikipédia, (https://fr.wikipedia.org/wiki/Danger) c’est une cause possible de dommage (à une personne, un peuple, un bien, à l'environnement, etc.). Par exemple, un ours ou un lion ou encore un cobra sont des dangers. Un revolver, un kilo de pentrite ou une seringue hypodermique aussi. Cependant, si l’ours ou le lion sont dans une solide cage verrouillée, si le cobra est dans un vivarium sécurisé, le revolver au fond de la mer, la charge de pentrite dans une armoire blindée verrouillée et la seringue dans un conteneur en direction de l’incinération, le risque que représente chacun de ces dangers est très faible, et même quasi nul.

Le risque est en effet, toujours d’après Wikipédia, la possibilité de survenue d'un événement indésirable, la probabilité d’occurrence d'un péril probable ou d'un aléa.

Le risque est une probabilité qui peut donc se chiffer, en général par un nombre compris entre zéro (risque nul) et 1 (certitude). Ce nombre peut lui-même s’exprimer par une fraction (par exemple une chance sur cent, qui équivaut à 0,01).

LionLes définitions étant posées, observons les journalistes de France Inter ou France info qui veulent faire du sensationnel, c’est-à-dire remuer les foules en exacerbant les sensations : « Les analyses prouvent que l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen a dégagé de la dioxine ». Naturellement, au seul mot « dioxine », produit qui représente un danger,  les inquiétudes se déchaînent : mais aucun chiffre n’étant donné concernant la concentration, c’est-à-dire la quantité, on ne sait pas si le lion dioxine est dans une cage ou bien s’il se promène en liberté. En effet, le risque représenté par la présence de dioxine dépend, bien évidemment, des teneurs. Et, vous l’avez compris, ce qui est important, c’est le risque d’une teneur supérieure à la limite de sécurité, et pas du tout le danger de la dioxine. Le risque se mesure, le danger non.

Les alertes régulièrement lancées par certains s’attardent sur le danger et négligent le risque : elles insistent sur le danger du lion, en le décrivant soigneusement dans tous ses effets, mais sont discrètes ou même muettes sur les risques, essentiellement au prétexte que le receveur non spécialiste ne connaît pas les chiffres qui définissent ces risques, et se trouve donc incapable de les évaluer, même grossièrement. C’est la faiblesse sur laquelle jouent habilement les lanceurs d’alerte d’occasion qui comptent sur l’ignorance du public et son incapacité à distinguer danger, de risque, pour enfoncer un clou dans chacune des têtes. A la longue, cette description du danger finit par créer une association dans ces têtes entre le danger ressenti comme un risque et (par exemple) les produits chimiques, et c’est le phénomène auquel nous assistons aujourd’hui en ce qui concerne cette classe de produits.

Notons que les commentateurs qui propagent cette confusion entre danger et risque sont probablement eux-mêmes les premières victimes de cette confusion. Il serait intéressant d’interroger les journalistes dits d’investigation sur leur connaissance de la signification précise des deux mots en question…

Sans transition (je me demande d’ailleurs pourquoi certains commentateurs radio attachent une si grande importance à cette fameuse et obligatoire transition), sans transition donc,  on entend parler ces temps-ci, à propos des terroristes potentiels de personnes « radicalisées ». D’après le Petit Robert, « radicaliser » signifie "rendre plus extrême". (J’aime bien le Petit Robert, car il est à la fois précis et clair). Il ne semble pas que ce qualificatif, universellement employé, en particulier dans les médias, soit très approprié pour décrire les conséquences de l’évolution d’une personne vers un Islam radical. Un Islam plus extrême : oui. Une personne plus extrême : certainement pas. Préférons donc l’adjectif « fanatisé » à ce terme inapproprié de « radicalisé ». Et observons maintenant comment nos médias en parlent. Un disciple de Mahomet fanatisé est un danger. Mais, quel est le risque qu’il représente ? Là encore, nos médias sont muets. Et pour cause : en effet, si on veut calculer objectivement le risque pour un Français moyen, que représente ce danger, on peut, par exemple, diviser le nombre de victimes du terrorisme islamique en France pendant une période de temps choisie, par le nombre total de Français. Ce calcul nous donnera les risques que nous avons chacun, de devenir une victime de ce terrorisme pendant cette période de temps. Le calcul est simple à faire. Entre avril 2012 et octobre 2019, le nombre de victimes du terrorisme islamique s’est établi, en France à 263 morts dans 18 attentats. Le nombre d’habitants en France étant, d’après l’INSEE de 67 millions, le risque de devenir une victime du terrorisme islamique est donc de :

263 / 67 000 000 soit 0,00000393, soit un risque quasiment nul

L’aviez-vous comme ça ? Probablement pas. Pourquoi ? parce que les médias ne vous ont jamais présenté les choses comme elles auraient dû être présentées et qu’ils ont, encore une fois, confondu le danger et le risque. Présenté honnêtement, chacun des attentats aurait dû apparaître comme un évènement insignifiant du point de vue du risque. Sans compter que cela aurait probablement incité les terroristes à ne plus pratiquer ces attentats, dans la mesure où l’objectif principal de ces actions était de faire peur aux Français. A titre de comparaison, le risque, pour ces mêmes Français, de mourir dans un accident de voiture, est de 0,00429 (référence) en prenant l’accidentalité de 2018. C’est donc un risque de quelques mille fois plus important que celui d’être victime d’un attentat terroriste.

Pourquoi donc les médias ont, sciemment ou non, confondu danger et risque ? La réponse est évidente : c'est pour faire de l'audience. Et c'est aussi pour cette raison que certaines radios et télévisions glisse à l'émission spéciale à la moindre occasion, tout en expliquant que "c'est pour une meilleure information". On peut d'ailleurs se demander si l'information "plus complète" est vraiment nécessaire, et si ce complément d'information correspond vraiment à ce que l'auditeur ou le téléspectateur attend. J'ai d'ailleurs souvent constaté, en ce qui concerne mon domaine de compétence, la chimie, que le reporter se trompe systématiquement lorsqu'il donne des détails "chimiques" : non seulement le ou les noms des produits chimiques sont systématiquement déformés, mais encore les propriétés des produits sont elle-mêmes inexactes, au point que quelquefois, je me demande si le reporter ne les a pas simplement inventées pour qu'elles s'accordent avec le reste de l'histoire... 

Je ne résiste pas à présenter un dernier exemple qui pourra, je l’espère, finir de vous convaincre de la nécessité de bien séparer risque et danger.

Question : Combien y-a-t-il eu de morts en France, causées par le glyphosate ? La réponse est : zéro. Pourquoi peut-on être convaincu de ce chiffre ? Parce que s’il y avait eu un seul mort, toute la gent médiatique en aurait parlé en long et en large. En possession de ce chiffre, plus besoin d’autre valeur pour pouvoir calculer le risque. Le résultat sera de zéro, en vertu des propriétés de ce nombre. « Le risque zéro n’existe pas » entend-t-on très souvent. Voire. Dans le cas présent, le risque de mourir par le glyphosate en France est bel et bien de zéro. L’aviez-vous vu comme ça ?

Commentaires   

#1 Vial Barbara 23-07-2020 10:34
De formation scientifique également, ayant fait de la recherche, j'abonde dans votre sens sur la confusion danger-risque, sur la malhonnêteté (voulue ou pas) des médias qui présentent des chiffres absolument pas relativisés, avec des titres "putaclic", plus écœurants les uns que les autres, à croire que les rédacteurs ne sont formés qu'à cela : sortir des titres aguicheurs.
Par contre votre dernier exemple concernant le glyphosate est vraiment malvenu et ce pour deux raisons.
1°) Ce biocide est un grand destructeur des systèmes écologiques. Il y a de nombreuses autres possibilités pour réguler les ravageurs, plus systémiques et écologiques. Je ne développe pas ici, tout un réseau d'agriculteurs en maraîchage, arboriculture, grandes cultures s'y attelle avec de véritables résultats. Une des premières conséquences des conduites culturales qui intègrent, entre autres, le glyphosate, est l'appauvrissement des sols, l'appauvrissement de la diversité des espèces végétales et animales, mais aussi la baisse de la valeur nutritionnelle des produits agricoles : sélection des variétés et races en fonction de la résistance à des systèmes de production intensive, mono-espèce, et à une distribution de masse, avec force emballages, manipulations, pour des objectifs esthétiques et non nutritifs. En résumé, en plus de dégrader les sols et la diversité biologique, une agriculture qui fonctionne avec l'usage du glyphosate perd en valeur nutritionnelle comme en diversité gustative. C'est une première conséquence pour la santé humaine.
2°) De nombreuses études ont montré la toxicité du glyphosate. Bien sûr, on n'a pas testé directement sur des organismes humains vivants avec des populations témoins, mais sur d'autres espèces animales ou sur des cultures in-vitro. Voir par exemple cette thèse de pharmacie : dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01334987/document. L'usage des pesticides a eu également des conséquences sur les générations d'agriculteurs qui en ont fait usage, sans grandes précautions le plus souvent. Les produits à base de glyphosate ont une toxicité lié directement au glyphosate mais aussi aux autres composants associés. Cette toxicité est d'abord locale (produits agricoles mais aussi agriculteurs qui ne se protègent pas toujours correctement, voire voisinage humain). A cela s'ajoutent des effets de cumul dans le temps et de diffusion dans l'espace (dans l'air, dans l'eau et même dans la terre qui se déplace suite aux érosions causées par les monocultures et la déforestation, l'abattage des haies).
+1 #2 Pierre-Ernest 24-07-2020 13:56
Bonjour Madame Vial
Si je comprends bien, vous êtes une adversaire convaincue du glyphosate...
J'avoue que je ne connaissais pas les propriétés destructrices que vous développez dans votre 1). Elles ne doivent pas être très diffusées, car je n'en ai jamais entendu parler. Mais elles doivent être publiées puisque vous en parlez.
Concernant votre 2), je suis tout à fait d'accord avec vous que le glyphosate, mal utilisé, peut présenter un certain risque, tout comme d'ailleurs des milliers d'autres produits synthétiques ou naturels. Un bon exemple est présent dans la thèse que vous donnez en référence : le soja. Cette plante, qui sert de nourriture animale et humaine dans de nombreuses parties du monde est un perturbateur endocrinien avéré. Cela dit, malgré cette propriété, vous avez certainement mangé du soja plusieurs fois dans votre vie, ainsi que la viande d'animaux nourris avec du soja, et vous n'en avez probablement jamais été incommodée. Si une préparation à base de soja avait des propriétés curatives sur les plantes, (simple hypothèses théorique) croyez-vous que son caractère perturbateur endocrinien aurait été soulevé et aurait empêché son utilisation en tant que produit phytosanitaire ? Non, probablement pas, devant l'évidence de son caractère inoffensif prouvé par son utilisation à grand échelle. Eh bien , je pense que le glyphosate est dans ce cas. L'ensemble des agences mondiales reconnaissent son caractère non néfaste et plusieurs dizaines d'années d'usage en témoignent; Néanmoins, le produit n'est pas de l'eau pure, et possède un certain nombre de propriétés qui peuvent être néfastes. Mais dans des conditions qui ne sont pas réunies dans une utilisation normale. En réalité, je crois très sincèrement que c'est le succès même du glyphosate qui a fait de lui la cible privilégiée de Greenpeace et qui a entraîné contre lui. certains scientifiques qui y voyaient l'occasion de se distinguer.

Vous n'avez pas le droit de commenter