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avez-vous quel est le perturbateur endocrinien (PE) le plus consommé par l'homme ? J'ajoute un indice :  la différence de consommation entre ce PE et le second dans la liste, est de taille : plusieurs puissances de dix. Dit autrement, le genre humain consomme - en toute connaissance de cause - un perturbateur endocrinien dans le genre très actif qui va, après consommation et rejet se répandre dans les rivières et les étangs et perpétrer son action sur la faune aquatique.

Vous séchez sur le nom du produit ? Je vais vous dire duquel il s'agit : c'est tout simplement la pilule anticonceptionnelle ! Mais il est vrai que cette dernière jouit d'un statut spécial et que ses dommages collatéraux possibles sur le corps féminin et sur celui de sa descendance sont délibérément ignorés à cause de la coloration fortement sociétale du produit en question... Parallèlement à cela, les médias sont régulièrement remplis de mises en garde alarmantes qui concernent ces fameuses (et apparemment redoutables) substances. Comprenne qui pourra...

Des observations inquiétantes

Pour essayer de cerner un peu mieux le phénomène, et pour mieux en apprécier les dangers éventuels, faisons un petit rappel des conditions dans lesquelles sont nés ces fameux PE.

 Dans les années 1930, un chimiste anglais, Sir Edward Charles Dodds qui s'intéressait au mécanisme d'action des hormones découvrit que certaines molécules étaient capables de "mimer" l'action des hormones, en particulier celle des hormones sexuelles. Ses travaux, ponctués par de nombreuses publications, se portèrent sur les molécules analogues à l'estradiol qui est l'œstrogène principal du corps humain. Après avoir découvert que la présence du noyau  phénanthrénique qui caractérise les hormones dites stéroïdiennes n'était pas nécessaire pour provoquer une action hormonale, il se livra à un screening des molécules dont la forme se rapprochait géométriquement de celle de l'estradiol. En 1936, il mit en évidence les propriétés perturbatrices endocriniennes du bisphénol A parmi d'autres molécules sans soulever apparemment d'inquiétude dans la communauté scientifique... En 1938, Dodds découvrit les propriétés extraordinaires du  diéthylsilbestrol (DES) mais ne prit pas de brevet.

Dans les années 1940, on compris que les troubles de la reproduction et de la lactation dans des troupeaux ovins australiens (dite « maladie du trèfle ») étaient liés à la présence de certains produits dans l'alimentation des troupeaux. Les produits incriminés furent appelés phytoestrogènes à cause de leur origine végétale et de leur analogie moléculaire avec l'estradiol. Dans le même temps, à partir de cette époque, les stéroïdes1 ont été utilisés aux USA dans le domaine de l'élevage pour moduler le cycle de reproduction et pour améliorer la vitesse et l'efficacité de la prise de poids. (C'était le fameux "bœuf aux hormones" américain).

Parallèlement, l'éthinylestradiol, le mestranol, le norethynodrel et l'acétate de mégestrol ont été utilisés en médecine humaine ou animale comme médicament ou comme agents anticonceptionnels (Newburgh, 1975). C'est aussi à cette époque que les toxicologues se sont mis (certains seraient tentés de dire "enfin !") à étudier les effets négatifs de ces molécules.

Le DES (diéthylsilbestrol)  dont la structure moléculaire prédisait des propriétés semblables à celles du 1,7-ß-estradiol commença donc à être prescrit en médecine humaine pour combattre les fausses couches et les naissances prématurées. On observa malheureusement de nombreuses  années plus tard que les filles des femmes ayant été traitées au DES présentaient une prédisposition à un cancer rare, l'adénocarcinome à cellules claires du vagin. En résultat, la FDA demanda aux médecins d'arrêter la prescription du DES aux femmes enceintes. Des recherches ultérieures montrèrent ensuite un risque accru de cancer du sein aux filles des femmes ayant reçu du DES ainsi qu'un risque d'anomalies possibles des organes reproducteurs chez les filles et aussi les fils de ces mêmes femmes.
En France, Le DES a été prescrit pendant de nombreuses années sous le nom de distilbène, conduisant à la naissance de 160 000 bébés porteurs, donc, d'une anomalie qui peut s'exprimer à la deuxième, troisième et même quatrième génération. Notons que le distilbène a été autorisé par la FDA comme pilule du lendemain réservée aux cas de viols. 

Le DDT a été largement utilisé par les alliés au cours de la dernière guerre mondiale, pour protéger les soldats et les populations contre les moustiques propagateur de la malaria. Il a également permis de lutter avec succès contre cette terrible maladie en Afrique. Cependant, à la suite de la parution du livre de Rachel Carson : Printemps Silencieux, le DDT a été accusé de décimer la population américaine des aigles chauves, symboles de la nation américaine. La théorie (contestée), était que le DDE (dichlorodiphényldichloroéthylène) qui est un produit issu de la décomposition du DDT, est un PE qui agit en réduisant l'épaisseur de la coquille des œufs de l'oiseau, ce qui provoque leur destruction prématurée par le piétinement des adultes dans le nid. 

Par ailleurs, Louis Guillette et d'autres chercheurs de l'Université de Floride avaient remarqué une diminution importante du nombre des alligators du lac Apopka et un accroissement du nombre des mâles ayant un micro-pénis et diverses anomalies testiculaires.
L'analyse des sédiments du lac devait révéler leur contamination par le DDT et le DDE. Les recherches montrèrent que le DDE se retrouvait à des niveaux 10 à 20 fois plus élevés dans le sang des alligators de ce lac que dans celui des animaux des lacs voisins et 100 fois plus dans les œufs.

A la fin des années 1970 on a constaté un déclin et/ou une extinction de la population du « pourpre petite pierre », gastéropode marin dont le nom scientifique est Nucella lapillus, trouble lié à la masculinisation des femelles. Selon les stades d'atteinte, elles développaient un pénis et devenaient totalement inaptes à la reproduction. Il en était de même chez le bulot et chez l'océnèbre. Le Tributylétain (TBT) utilisé dans les peintures antisalissure ou antifouling a pu être mis en cause comme perturbateur endocrinien. Remarquons qu'ici, on s'éloigne totalement des analogies moléculaires. Le tributylétain est un composé organométallique qui n'a plus rien a voir avec l'estradiol.

Son interdiction dans les années 1980 n'a montré ses effets que près de 20 ans plus tard. Le taux des femelles infertiles de Nucella lapillus (stade 4 et plus de la malformation) était encore de 60 % en 2003. Parallèlement le pourcentage de femelles indemnes ou très peu touchées (stade 1) a triplé passant de moins de 10 % à plus de 30 %, ce qui est à rapprocher de l'interdiction du TBT.

Enfin, d'autres observations d'actions négatives imputables à un mécanisme hormonal ont été faites avec toute une série de produits comprenant entre autres les phtalates (éthyle, octyle), le nonylphénol, la TCDD (2,3,7,8-tétrachlorodibenzo-p-dioxine ou dioxine de Seveso), et le 4,4'-diphénol-2,2'-diméthylpropane plus connu sous le nom de Bisphénol A.

Ces observations alarmantes ont finalement abouti, en 1991 à la réunion d'une conférence de 21 participants du 26 au 28 juillet 1991 à Wingspread dans le Wisconsin.
Theodora Colborn, l'organisatrice du débat a réuni à cette occasion plusieurs chercheurs avec qui elle avait été amenée à collaborer lors de son étude américano-canadienne sur l'état écologique des grands lacs. Elle avait alors pu acquérir une vision globale de la pollution et de ses conséquences sur l'environnement et les espèces animales, notamment sur le système reproducteur et le comportement sexuel. C'est au cours de ce colloque qu'est progressivement apparue l'idée que l'ensemble de ces phénomènes dus à différentes substances relevaient d'un même mécanisme, l'action mimétique des hormones naturelles par des produits chimiques présents dans l'environnement et conduisant à des perturbations. Le colloque a attribué aux substances incriminées le nom anglais de  "endocrine disruptors" qui a donné en français le mot "perturbateurs endocriniens".
A partir de cette date, le concept a donné lieu à une véritable explosion des études, publications, conférences et activités d'organismes divers (ONG, Nations unies, ministères etc.). Naturellement, la grande presse s'est emparée du sujet, induisant les dérives habituelles : amalgames, contresens, vision apocalyptique, qui ont fait prendre conscience au grand public du problème.
Comme il fallait s'y attendre, la liste des perturbateurs endocriniens s'est aujourd'hui allongée démesurément. Le site de la TEDX, société américaine spécialiste du sujet, par exemple, recense aujourd'hui 2 065 perturbateurs endocriniens dans sa liste qui grandit tous les jours. Rassurons-nous, cependant : des produits aussi anodins que le fer, le zinc ou encore le bicarbonate de sodium sont présents dans cette liste...

Les perturbateurs endocriniens naturels 

Le règne végétal produit lui aussi des PE qui perturbe le fonctionnement des individus du règne animal. Les naturopathes2 qui ne sont pas des malades fous de produits naturels comme le suggère l'étymologie (exemple : psychopathe), mais des médecins spécialisés dans les médecines naturelles, utilisent curieusement les PE et en font même le commerce. En effet, certaines plantes qu'ils recommandent pour le traitement de troubles divers contiennent des proportions notables de ces PE, et c'est même l'effet de ces PE, nommément désignés, qui joue le principal rôle dans les traitements qui font l'objet de leurs ordonnances. Evidemment, la nature "perturbante" de ces produits actifs endocriniens n'est jamais signalée, et le vocabulaire employé évite absolument que le client potentiel convaincu d'avance de l'innocuité de ces traitements (puisqu'il s'agit de plantes et que c'est recommandé par un "docteur", ça ne peut être que bon), ne se pose des questions sur ces PE naturels. Les passionnés pourront avoir dans le document cité ci-dessous, des détails techniques sur les PE que l'on trouve dans les plantes et que l'on appelle les phyto-estrogènes. (Il s'agit d'un extrait d'une publication de l'agence française de sécurité sanitaire des aliments : "Sécurité et bénéfices des phyto-estrogènes apportés par l’alimentation - Recommandations").

 

Tentative de définition

Munis de ces informations, nous pouvons maintenant tenter une définition des PE. Celle du NIH3 me parait intéressante, à part que le bisphénol A n'est pas un plastifiant, mais plutôt un précurseur de matière plastique :

",Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui interfèrent avec le système endocrinien du corps, ce qui a des effets sur le développement et sur les systèmes reproductif, neurologique et immunitaire. Un grand nombre de substances d'origine naturelle ou synthétique peuvent provoquer des perturbations endocriniennes y compris des médicaments des analogues de la dioxine, des diphényles poly chlorés, comme le DDT ainsi que d'autres pesticides, et des plastifiants comme le bisphénol A".

Cette définition aurait gagné en pérennité si elle avait été plus concise :  

",Les perturbateurs endocriniens sont des produits chimiques qui interfèrent avec le système endocrinien du corps, ce qui a des effets sur le développement et sur les systèmes reproductif, neurologique et immunitaire. Un grand nombre de substances d'origine naturelle ou synthétique peuvent provoquer des perturbations endocriniennes y compris des médicaments".

On peut en effet inclure dans cette dernière définition le fer, le zinc et le TBT.

 

L'hypothèse des effets non linéaires

 "Toutes les choses sont poisons, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison". Cette citation de Paracelse, que d'aucuns ont résumé en "C'est la dose qui fait le poison" constitue la base de l'ensemble des réglementations concernant l'effet des produits sur la santé des personnes. Les règles  considèrent en effet implicitement que l'effet est égal à zéro pour une dose égale à zéro et qu'il est proportionnel à la dose. Sa courbe représentative en fonction de la dose est donc assimilable à une droite qui passe par l'origine.
Certaines observations ont cependant indiqué que pour les PE, les choses n'étaient pas aussi simples Voir par exemple ici, ou ici. Ces observations semblent montrer une relation non-monotone .(Hypothèse DRNM)4 entre la dose et l'effet.

Les courbes représentatives seraient en forme de U ou de U renversé, et présenteraient un minimum (U) ou un maximum (U renversé) pour une dose précise. Devant de telles hypothèses qui pourraient compliquer énormément la prévision des effets des PE et les règles, l'EFSA5 a fait réaliser une synthèse complète portant sur les PE dans l'alimentation. La synthèse publiée le 26 avril 2016 a porté sur quelques 10 000 études qui, après sélections sur des critères de pertinence et de fiabilité ont abouti à 3 groupes : 49 études animales (in vivo), 91 études sur des tissus ou des cellules (in vitro) et 2 études sur l'homme.
Globalement, les auteurs de la synthèse ont conclu qu’en ce qui concernait les substances relevant du domaine de la sécurité alimentaire, l’hypothèse DRNM n’était pas actuellement étayée par les données sélectionnées et analysées dans le rapport.
Selon le rapport, compte tenu du type de données prises en compte (les hormones et les produits pharmaceutiques ont été exclus) et de la quantité de données sélectionnées et analysées, la relation DRNM en tant que phénomène commun n’est donc actuellement pas étayée en ce qui concerne les substances relevant du domaine de la sécurité alimentaire. Naturellement, le comité scientifique de l'EFSA a conclu (comme toujours en pareilles circonstances) que des études complémentaires étaient nécessaire...

 

Exploitation par les politiques

Elections présidentielles obligent, nous avons pu constater que les candidats (enfin, certains d'entre eux) savaient capter les sujets qui attirent l'attention des électeurs. Naturellement, le sujet des PE  n'a pas échappé à l'attention de Benoît Hamon, par exemple. Cet homme politique attrape au vol comme le font d'ailleurs tous ses homologues une affaire qu'il sent rentable. En ce sens, il agit comme tous ces scientifiques qui ont un grand intérêt à ce que les PE apparaissent les plus dangereux possibles afin de rendre indispensables de nombreuses et coûteuses recherches qui leur procurent du travail. On sait que les activistes savent très bien reconnaître les politiques un peu naïfs et les utiliser en leur faveur. La ministre actuelle de l'écologie nous en a montré le spectacle plaisant plusieurs fois. 
 Ce candidat, donc, affirme haut et clair qu'il faut interdire purement et simplement tous ces produits hautement toxiques (je vois déjà la tête des millions de femmes à qui on supprimera leur pilule... L'affaire n'est pas sans faire penser à l'interdiction de tous les produits contenant des parabènes qui a fait l'objet d'un discours triomphant à l'Assemblée Nationale, salué unanimement par toutes les tranches écolos du moment  mais qui s'est heureusement perdu dans le dédale des textes d'application lorsqu'on s'est aperçu que la loi revenait tout simplement à interdire la vente des mûres, de l'orge, de la fraise, du cassis, de la vanille, de la carotte et de l'oignon, des aliments préparés à partir de certaines plantes (jus de raisin, autres jus, vinaigre de vin, etc.) et de certains fromages, ainsi que la vente des produits fabriqués par les abeilles (propolis, gelée royale, etc.).

Emmanuel Macron a lui, dans son programme, établi définitivement la relation entre PE, pesticides et cancer (précisant même "chez les enfants" et "depuis 20 ans") alors que cette relation est toujours en question chez les spécialistes. Décidément, les politiques sont toujours en avance...

Marine Le Pen considère que le seul moyen de se débarrasser des PE, c'est de sortir de l'Europe... (?) tandis que Jean-Luc Mélenchon veut les interdire , mais seulement s'ils comportent un danger pour la santé humaine, ce qui est une position rationnelle dans la mesure où on définira convenablement ce danger...bon courage !.

En fait, les difficultés réelles auxquelles se heurte la Commission Européenne dans la définition même des PE montre que cette dernière est consciente des difficultés de la législation future concernant ces produits, alors que le journaliste de base n'a probablement pas très bien compris le problème.

 

Un marché très juteux

Indépendamment de ces questions, on peut constater que les PE constituent certainement un marché formidablement juteux qui concourt dans la catégorie des fonds consacrés à la recherche. Sur ce marché, ils sont à la poursuite du changement climatique qui demeure cependant pour l'instant la vache à lait toujours productrice de subventions de sources diverses, mais qui va certainement être dépassée par ces fameux PE. En effet, tandis que le climat semble s'essouffler un peu, les PE s'invitent à toutes les discussions. 

Certains médias présentent couramment les PE comme un danger  mortel, une espèce d'épée de Damoclès suspendue au dessus de nos têtes  que l'on avait jusqu'ici négligé,  peuple ignorant que nous sommes... qui sait ? Peut-être que la baisse de la natalité constatée  par les statisticiens chez les nations développées est-elle provoquée par la consommation -à leur insu - de ces redoutables PE présents partout, et de plus en plus, cette présence allant d'ailleurs curieusement de pair avec l'amélioration des limites de détection des appareils d'analyse modernes...

La science est dubitative 

On a mis en évidence certains PE dont la structure moléculaire est très éloignée de celle des hormones naturelles et on a observé sur des animaux ou des cultures de cellules des effets délétères concernant la fonction de reproduction. Ces derniers produits n'ont cependant pas à l'heure actuelle fait la preuve qu'ils pouvaient entraîner ces effets chez l'homme. En ce qui concerne ces fameux mais peut-être un peu fumeux effets perturbateurs, la machine humaine est probablement plus perfectionnée que les machines animales. Elle sait souvent se débarrasser élégamment et au moyen de mécanismes qui sont encore souvent à élucider, des produits qui pourraient provoquer ces perturbations.

L'EPA (Agence américaine pour la Protection de l'Environnement) a testé un certain nombre de produits (je ne connais pas les critères de choix des produits de l'EPA, mais je pense que les pesticides ont eu les faveurs de ce choix). Parmi les 1 812 produits testés au 1 juin 2015, 646 ont montré une certaine bioactivité, c'est à dire une activité hormonale. On peut retrouver le détail des produits testés dans la base de données de l'EPA. J'ai regroupé ci-dessous sur un graphique dit diagramme de Pareto les valeurs de bioactivité des produits testés par l'EPA :

Bioactivite des produits de lEPA

Diagramme de Pareto de la bioactivité des produits testés par l'EPA
Les produits sont rangés de gauche à droite dans l'ordre de bioactivité décroissante. La bioactivité est représentée par la longueur des barres verticales bleues.
Important : pour des questions de lisibilité, seulement un nom de produit sur huit figure sur l'axe des "x". La courbe rouge est la courbe représentant le cumul des pourcentages de produit (de zéro à 100 %). Notons qu'à partir de la 4-hexyloxyaniline et au-delà vers la droite, la bioactivité apparaît pratiquement nulle. L'examen des valeurs exactes de bioactivité montre que la moitié environ des produits testés présentent une bioactivité inférieure à 0,001.

 

Notons que ce que l'EPA appelle la bioactivité des produits est une valeur plus ou moins arbitraire résultant de mesures effectuées par des méthodes automatiques (mais qui ne sont pas des tests sur animaux, l'EPA le précise bien). Cette valeur combine plusieurs tests utilisant des techniques différentes se prêtant bien aux mesures automatiques comme le changement de couleur ou la densité optique des échantillons. Ces valeurs sont, d'après l'EPA, purement indicatives. On peut obtenir des indications plus précises sur ces tests sur le site suivant.

Les plantes médicinales ont, elles aussi, été testées pour savoir si elles avaient une activité œstrogénique ou antiœstrogénique, et la réponse est : oui. Elles rentrent bien elles aussi dans la classe des perturbateurs endocriniens.

En guise de conclusion (provisoire)

A l'inverse de celle des grandes gueules politiques ou associatives, mon impression est que rien n'est encore bien défini en ce qui concerne les dangers réels que présentent ce type de produit pour l'espèce humaine. On a certes mis en évidence que des produits proches des hormones sexuelles par la conformation de la molécule qui semblent bien "mimer" ces hormones, et qui donc ont des effets réels et inquiétants sur les fonctions de reproduction, peuvent avoir une action négative importante sur la descendance du sujet soumis à ces produits que l'on a appelé "perturbateurs endocriniens". Cependant, les très nombreuses études qui ont été déjà publiées ou qui paraissent aujourd'hui montrent que si un grand nombre de produits testés présentent une certaine activité du type "perturbateur endocrinien", ces études montrent aussi que cette activité est faible comme s'il existait un ou des mécanismes capables de s'opposer à leur action. L'avenir nous dira s'ils existent vraiment, et quels sont ces mécanismes. Évidemment, cette constatation ne modère pas les déclarations tonitruantes de certains activistes qui ont eu tôt fait d'amalgamer "perturbateurs endocriniens" avec "pesticides" et "danger mortel". La  compétence de ces haut parleurs semble d'ailleurs inversement proportionnelle à leur tonitruance... 

Plutôt que de prendre une position définitive, inspirons-nous de la littérature scientifique considérée comme "sérieuse", et faisons nôtre sa conclusion :

"Cependant, bien que l’étude des perturbateurs endocriniens soit une priorité, tant aux Etats-Unis (Endocrine Disruptor Screening Program, U.S. EPA), qu’en Europe (Endocrine Disrupter Research, site web Europa), tous les effets décrits plus hauts sont encore controversés en ce qui concerne l’espèce humaine, et le lien entre un « perturbateur endocrinien » particulier et l’augmentation des cas de cancers ou la diminution de la qualité du sperme n’a pas été formellement démontré dans la littérature (Safe, 2004 ; 2005). Pour le consommateur, il est difficile d’intégrer ces données". Référence : Les perturbateurs endocriniens dans l’alimentation humaine : impact potentiel sur la santé. Autrement dit, la diminution (constatée) du nombre de spermatozoïdes chez certaines populations n'entraîne pas, comme cela pourrait être suggéré par le ton de certains commentateurs, de baisse de la fertilité globale de ces populations. 

La découverte des effets des PE a fait que leur nombre a suivi une courbe quasi-exponentielle depuis les travaux du chimiste Dodds dans les années 1930 jusqu'à aujourd'hui. Les travaux patients essayant de prévoir les propriétés perturbatrices de certaines molécules en examinant leur forme et en les comparant à celles des hormones naturelles ont été dépassés au point qu'aujourd'hui, toutes les molécules un peu complexes peuvent être susceptibles d'être mises dans la classe des perturbateurs endocriniens. Il en résulte que cette classe est en train d'éclater et risque de bientôt ne plus exister, car on trouvera des PE partout (Mais avec une activité faible ou très faible) . C'est la rançon du succès...

On comprend la prudence des organismes chargés de définir cette classe de produits, qui ne cesse de s'élargir.



(1) Les stéroïdes sont des molécules contenant un groupe cyclopentanophénanthrénique substitué en C17 par un groupe alkyle et en C4, C10 et C13 par un ou deux groupes méthyle. Leur formule générale est la suivante :
Trimethyl steroid nomenclature Les 3 noyaux cyclohexanes accolés ABC figurent le phénanthrène (saturé) et le noyau D le cyclopentane.
(La définition ci-dessus est celle, simplifiée, du chimiste que je suis. Il y en a bien d 'autres , plus complètes).
(2) Je ne suis pas lexicologue, mais il me semble, très modestement, que la terminaison "logue" est tout à fait adaptée pour désigner un médecin spécialiste (cardiologue, neurologue) et que la terminaison "pathe" est très ambigüe, car elle veut désigner à la fois la maladie et le médecin.
D'après le Robert, le mot "naturopathe" est apparu en 1972 ce qui est bien récent pour des pratiques qui se veulent multimillénaires...
(3) NIH : National Institute of Environmental Health Sciences - Institut National des Sciences de la Santé environnementales.
(4)  DRNM : se dit d'une relation Dose Réponse Non Monotone. (Une fonction est dite monotone  dans un intervalle si sa dérivée ne change jamais de sens dans cet intervalle).
(5)  EFSA : European Food Safety Authority ( Autorité Européenne pour la Sécurité Alimentaire).